Je regarde les eaux noires du port, les obscènes taches d’huile qui s’étendent en une épouvantable gallerie de visages. Je distingue les yeux vides et les bouches grimaçantes de ces fantômes aquatiques surgis des profondeurs de ma mémoire.
– Cauchemars ?
C’est la voix de Claire. Je hoche la tête, consciente que ce n’est pas vraiment une question, elle n’est que trop familière avec ces nuits où je me réveille en sueur, hurlante de terreur, n’ayant d’autre choix que de fuir le sommeil pour maintenir les démons dans l’oubli. Parfois, ils me poursuivent dans la réalité. Elle s’installe à mes côtés sur le toit du pont aménagé en « sundeck»
– Tu vas prendre froid.
Elle se presse contre moi et partage une couverture en la posant sur mes épaules. Elle porte un survêtement de sport gris et un bonnet de laine noire acheté le matin dans un des magasins des docks. Les nuits deviennent de plus en plus fraîches, l’été agonise sous un ciel couleur béton. Je ne suis vêtue que d’un t-shirt long sous laquelle je suis nue, une des nombreuses nouvelles règles que je dois supporter, même si pour l’instant cela semble dérisoire.
– Demain nous serons loin de tout cela.
C’est en effet le départ, une traversée de 1200 miles vers Gibraltar, une première étape ambitieuse.
– C’est vrai, fis-je en me collant à elle. Tu as été formidable.
Trois jours que nous préparons le bateau, alternant les sorties en mer avec les nécessaires taches d’avitaillements. Claire se débrouille mieux que je ne l’espérais et participe aux différentes activités avec enthousiasme. J’ai consacré du temps aux opérations essentielles : hisser les voiles, prises de ris, virement de bord ainsi que les bases de la navigation, avant de passer à des manœuvres plus avancées comme la récupération d’une personne tombée à l’eau. En quelques jours, elle s’est convertie en une équipière des plus acceptables, capable de m’assister sur la majorité des scénarios et d’assumer un quart. Hier, les conditions se révélèrent un peu plus difficiles, vent d’ouest de vingt nœuds avec des rafales à vingt-cinq. Rien d’affolant pour le catamaran, mais impressionnant pour une novice. Plus que l’état de la mer, forcément agitée avec des creux de trois mètres, ce fut le bruit qui la marqua, le claquement des voiles pendant les manœuvres, le fracas de l’eau contre les coques.
– Je l’admets volontiers. Je suis une personne des plus exceptionnelles, se moque-t-elle en posant une main sur mon genou. Mais tu t’es bien comportée aussi.
Je réplique avec un sourire, sentant les fantômes s’éloigner doucement.
– J’admire ta modestie. Peut-être devrais-je aborder l’incident où le charriot des provisions est tombé dans le port ?
– Une mauvaise conception du ponton. Je vais d’ailleurs attaquer l’architecte en justice. Toutefois, cela t’a permis de faire de l’exercice.
Je lui tends la canette de bière et elle boit une gorgée avec une grimace de dégout. Elle n’est pas vraiment amatrice. Nous avons heureusement embarqué assez de vin et d’alcool pour survivre à un tour du globe. C’est d’ailleurs le chargement qui termina sa course dans le port après que Claire l’ait lâché pour chasser une guêpe trop agressive. Cela provoqua l’hilarité de nos voisins et m’obligea à plonger pour récupérer les précieuses bouteilles à cinq mètres de profondeur. C’est le genre d’histoire qui vous suit des années dans le petit monde de la plaisance et qui risque de se raconter de La Rochelle à Bora Bora.
– Il y a aussi la manœuvre où tu as détaché l’amarre, mais que tu es restée sur le quai.
– Simple distraction et mauvaise explication de ta part.
– Bien entendu.
– D’ailleurs tu oublies la règle essentielle.
– Je suppose que je suis censée demander de quoi il s’agit.
– Tout à fait, réplique-t-elle avec aplomb. Celle qui précise que je suis ta maitresse et que j’ai donc toujours raison.
– Très pratique.
– N’est-ce pas ? Tu omets souvent mon titre. Peut-être devrais-je penser à une punition quelconque.
Je reprends ma bouteille en grinçant des dents. Même si je n’ai pas encore totalement accepté ma condition, j’apprécie ces moments d’intimités, je me sens proche d’elle, confortée par sa présence. Sa main caresse ma cuisse, elle adore me démontrer son autorité, la manière dont elle dispose de moi. Elle se prépare à aller plus loin lorsque le cri d’une femme retentit, aussitôt suivi par la voix d’un homme. Claire se fige. Ce n’est pas la première fois que nous entendons des altercations en provenance d’un navire accosté à proximité du nôtre.
– Cela recommence, soupire Claire.
Depuis notre position surélevée, nous bénéficions d’une magnifique vue du port et de la ville. Je prends les jumelles pour examiner le bateau en question. Je ne distingue pas grand-chose, juste des silhouettes qui se meuvent derrière les tentures qui masquent les hublots. Je sais qu’il y a au moins deux hommes à bord, je les aperçois régulièrement griller une cigarette. La femme reste, elle, invisible. Je ne connais que ses cris.
Nouveau hurlement, plus violent cette fois, suivit du fracas de meubles renversés.
Je me lève.
– Peut-être devrions-nous appeler les flics, suggère Claire. Cela semble plus brutal que les nuits précédentes.
Je ne suis pas une grande fan de la police et de l’autorité en général. Je dévale l’échelle menant au carré et saute sur le quai. Claire m’emboite le pas. Elle a largué sa couverture, mais tient un portable dans la main. Dans le navire, le type crie dans une langue que je ne comprends pas. D’autres plaisanciers sortent de leurs cabines. Il est probable que personne ne bougera. Plus il y a de gens et moins les chances d’interventions sont élevées, un simple report de responsabilité. J’ai assez parcouru les pires endroits du globe pour réaliser que les héros sont une espèce en voie de disparition, des anomalies de la nature humaine. C’est d’ailleurs mon cas. J’ai vu des tas d’individus mourir sans lever le petit doigt, fauchés par des balles, exécutés par des tueurs fanatiques. Je me suis contentée de les photographier, d’immortaliser leur souffrance pour la répandre à travers le monde.
Je me prépare à monter à bord du yacht quand un homme sort sur le pont. Il s’immobilise en m’apercevant et je fais de même, retenue par Claire qui m’attrape le bras. Le type arbore un crâne rasé, un visage carré avec des yeux gris inexpressifs. Il allume une cigarette et me lance dans un anglais rocailleux teinté d’un fort accent de l’est.
– Qu’est-ce que tu veux ?
Claire ne me laisse pas le loisir de répondre.
– Nous avons entendu du bruit et sommes venues voir si tout va bien, explique-t-elle très diplomatiquement.
Dans le bateau les cris se sont tus. Un deuxième gorille surgit de la cabine ; même carrure et style de brute que son compagnon avec une cicatrice sur la joue. Ils échangent quelques mots dans une langue que je ne comprends pas, probablement du Russe, puis se tournent vers nous.
– Tout va bien, aboie-t-il en anglais. Foutez le camp !
– Peut-être devrions-nous appeler la police ? Propose Claire. Nous avons entendu une femme crier.
Les deux hommes éclatent de rire.
– Elle crie beaucoup.
Le typebalafré se penche vers l’intérieur et lâche une phrase qui ressemble à un ordre.
Quelques secondes plus tard, une blonde immerge du carré, une vingtaine d’années, cheveux en bataille et maquillage détruit par les larmes. Elle est vêtue d’une longue robe rouge et d’escarpins aux talons démesurés qui doivent torturer le teck.
– La Dame veut savoir si tu vas bien, grogne le Gorille.
La fille baisse les yeux.
– Da, murmure-t-elle.
– Voulez-vous que nous appelions la police Mademoiselle ? demande Claire
Elle se met à trembler, les épaules voutées, comme si elle se préparait à encaisser des coups.
– Niet, finit-elle par répondre dans un souffle.
Le Russe la pousse sans ménagement vers la cabine et elle disparait, caricature humaine broyée par le monde. Nous oublions parfois que peu de gens vivent suivant notre normalité, l’énorme majorité de la population souffre, survit et meurt dans mille formes de cruauté. Les deux types nous défient depuis le pont. Sans une plainte, la police ne pourra pas faire beaucoup plus que nous.
– Partons, fis-je
Claire se prépare à protester et cette fois c’est moi qui l’attrape par le bras.
– Ils vont battre cette fille, s’exclame-t-elle en se dégageant alors que nous atteignons Cool Breeze.
– Oui.
– Et on ne fait rien ?
Je hausse les épaules et l’aide à embarquer.
– Il n’y a rien à faire.
– Ça, c’est de la merde Dakota.
– Un des deux hommes est armé.
– Comment le sais-tu ?
– J’ai vu la forme d’un pistolet sous sa chemise quand il s’est retourné pour appeler la blonde. L’autre l’est probablement. Surement des mafieux. On ne peut pas les affronter de face Claire.
– D’accord, soupire-t-elle en entrant dans le carré.
Il est quatre heures du matin. Je m’installe à la station de navigation, ouvre le laptop et vérifie la météo. Les informations d’hier, prévoyaient un vent du nord de dix nœuds, un temps idéal pour traverser le Golfe. Si nous ratons cette fenêtre, nous devons retarder notre départ ou nous résigner à affronter des conditions moins favorables. Aucune des deux options ne me séduit particulièrement.
– Aucun changement du côté de la météo.
– Cela veut dire que nous appareillons ce matin ? me demande-t-elle en préparant le café.
– Idéalement. Le bateau est prêt. Le plein d’eau et de gazole est terminé et l’avitaillement est complet.
– On va donc laisser cette fille aux mains de ces deux brutes ? gronde-t-elle appuyée contre le plan de travail avec derrière elle le glougloutement de la cafetière italienne.
– Cela serait en effet le plus sage.
– Mais pas le plus moral, déclare-t-elle en posant deux tasses sur lesquelles est peint le nom de notre bateau. Un cadeau de Frank, dessiné par un artiste de Soho pour qui la mer est une masse grise qui se distingue parfois entre les buildings.
Je trempe mes lèvres dans le breuvage brulant. Le simple gout du café semble si diffèrent, plus fort, plus réel. C’est d’ailleurs ce que nous ressentons, plus d’intensité, sans doute parce qu’au-delà des deux tours du port nous attend une vie d’errance et de liberté. Mais que peut-elle signifier si nous laissons derrière nous cette femme que nous ne connaissons pas, mais dont le visage terrifié restera gravé dans notre esprit ? Je ne tiens pas à parcourir les 1200 nautiques qui nous sépare du détroit de Gibraltar avec un fantôme de plus venant hanter mes nuits.
– Hier, vers sept heures, les deux gorilles ont débarqué. Je pense qu’ils sont partis prendre leur petit déjeuner.
– Et la fille demeure à bord ?
– Oui. Je ne l’avais jamais vue. Elle doit être confinée dans une cabine.
– Si, ils font de même ce matin, cela me donne l’opportunité de m’introduire dans le yacht et de la convaincre de déposer plainte.
– Cela me semble un bon plan. Et s’ils ne sortent pas ?
Je hausse les épaules.
– Nous pouvons retarder notre départ de quelques heures si besoin. Pendant que je suis sur leur bateau, tu feras le guet près de l’entrée du port et tu me préviendras s’ils reviennent.
– D’accord, je vais essayer de dormir en attendant.
Nous passons les trois heures suivantes dans le carré. Claire ronfle sur une des banquettes, enfouie sous une couverture, pendant que j’examine les cartes électroniques. Mon plan initial est de mettre le cap sur la Corogne. Une traversée de 350 miles que nous devrions pouvoir achever en une quarantaine d’heures. Je ne connais pas assez Cool Breeze pour être plus précise. Si le vent du Nord se maintient, nous naviguerons au portant, une allure idéale pour notre catamaran qui devrait donner le meilleur de lui-même. Nous n’avons prévu aucune escale avant Gibraltar et si tout se déroule bien, nous franchirons le cap Finistère pour ensuite longer les côtes du Portugal.
Six cafés plus tard, les deux gorilles débarquent. Je secoue Claire qui grogne et immerge du sommeil les cheveux en bataille et les yeux gonflés par la fatigue.
– Allons-y, fis-je en lui tendant un des “walkies-talkies”.
Je passe un jeans à la hâte ne me souciant absolument pas des règles et me dirige vers le yacht. Les quais sont déserts mis à part quelques plaisanciers préparant leurs voiliers. Nous ne sommes visiblement pas les seules à appareiller ce matin. J’embarque aussi discrètement que possible et pousse la porte donnant vers l’intérieur. Le bateau mesure une quinzaine de mètres, mais est beaucoup plus spacieux et luxueux que le nôtre. Je traverse la cabine principale qui ressemble au salon d’un club avec ses sièges en cuir et son bar en laque noir. Des bouteilles jonchent le tapis, restent muettes d’une soirée noyée dans les brumes de l’alcool. Je ne perçois aucun bruit, le navire semble désert.
J’appelle Claire via le “walkie-talkie”, elle me répond immédiatement.
– Ils viennent d’entrer dans le restaurant.
Je murmure.
– Ne les perds pas des yeux.
Je m’engage dans la coursive principale, parois d’acajou et lumière tamisée. La moquette étouffe mes pas et je vérifie le contenu de la première cabine : vide avec un lit défait et des vêtements dispersés sur le sol ; une robe de soirée, des escarpins, j’imagine facilement ce qui a dû s’y passer. Je continue ma progression, répétant l’opération à chaque porte. Aucune trace de la blonde. Je regarde ma montre, sept minutes se sont écoulées. Je fais demi-tour et me prépare à remonter vers le salon quand je distingue sous l’escalier une ouverture. Je me faufile et tire sur la trappe aucunement preparée à ce que je découvre. Ce n’est pas une femme, mais deux qui se tiennent dans l’étroit espace de rangement. Ellse se serrent lune contre lautre en m’apercevant, les yeux grands ouverts. J’ai croisé assez souvent ce regard pour le reconnaitre, c’est celui de la peur et du désespoir, un désespoir si profond qu’il plonge l’esprit en pilote automatique se contentant de traverser chaque journée sans s’occuper du lendemain.
– Ne craignez rien, je ne vous veux aucun mal.
Je leur parle en anglais. La plus âgée des deux semble le comprendre et elle me répond dans la même langue.
– Je vous ai vue hier soir.
Je hoche la tête, examinant leur situation. Elles sont nues et leurs pieds attachés par une chaine a un anneau dans le mur.
– Oui. Je suis venue vous aider.
– Vous ne pouvez pas. Ce sont des hommes dangereux. Ils nous tueront s’ils savent que nous vous avons parlé.
– La police vous protègera. Je vais les appeler.
La jeune femme secoue la tête paniquée.
– Non. Non. La police ne fera rien. Certains sont achetés. Il y a mois, une des filles s’est enfuie et son corps a été retrouvé découpé sur une plage. Un exemple.
La voix de Claire résonne dans le “walkie-talkie”.
– Ils demandent l’addition.
Il ne me reste pas beaucoup de temps, même si le service du club n’est pas réputé pour sa rapidité. Dix minutes maximums.
– Vous allez venir avec moi.
La blonde secoue son pied enchainé.
– Même si nous le voulions, ce n’est pas si simple.
– En effet. Savez-vous où ils rangent les outils ?
La fille discute en Russe avec sa compagne, relayant sans doute ma question.
– Darya pense qu’ils en gardent sous une banquette à l’extérieur. Elle a vu Alexei les utiliser pour travailler sur le moteur.
– OK. Je reviens.
Je déboule à travers le salon pour me ruer sur le pont. Sans me soucier de laisser des traces, j’enlève les coussins, les jetant sur le sol pour fouiller dans les coffres.
– Ils paient, m’avertit Claire.
– Shit.
La boite à outils se situe sous le troisième siège. J’y trouve la panoplie habituelle de pinces, clé et tournevis, mais rien capable de couper une chaine de cette taille. Désespérée, je me rabats vers la cuisine, retournant les tiroirs sans plus de succès.
– Ils se lèvent Dakota. Dégage.
– J’ai besoin de plus de temps Claire. Cinq minutes.
– Tu n’as pas cinq minutes, insiste-t-elle.
Je redescends dans la coursive et pénètre dans la première cabine. Munie d’un tournevis récupéré dans la boite à outils, j’extirpe la barre des tentures.
– On dirait qu’ils fument sur la terrasse.
Cela me donne deux minutes de plus. Retour au trou où sont détenues les deux filles. Si je ne peux pas couper la chaine, il doit être possible d’arracher l’anneau de la paroi par effet de levier. Je lui explique mon plan et lui tends le tournevis qu’elle passe dans l’attache. Je fais de même avec la tringle des tentures nettement plus longue, mais aussi plus fragile. Je compte jusqu’à trois et nous poussons de toutes nos forces.
– Ils ont terminé. Ils se dirigent vers le ponton.
La cloison ne résiste pas et nous arrachons vingt centimètres carrés de contre-plaqué.
– Partons.
Je leur tends la main et elles s’extraient péniblement par l’étroite ouverture. Elles sont toujours entravées les unes aux autres par la chaine. Je ramasse l’attache qui traine comme un boulet pour faciliter leur progression et nous traversons le salon.
– Ils sont sur le ponton, annonce Claire.
Je ne peux plus débarquer sans être aperçue par les deux hommes. Je les pousse sur le côté tribord, la masse du yacht nous dissimulant de l’entrée des quais. Sans hésiter, je bondis sur le navire se trouvant à côte, le bout de la chaine dans la main.
– Vous devez vous synchroniser !
Elles doutent. Entravées une à l’autre, elles ne peuvent exécuter la manœuvre séparément.
– Ils sont à la moitié du ponton Dakota. J’espère que tu n’es plus à bord.
Je leur tends les mains.
– Vite !
Elles sautent à l’unisson atterrissant sur le pont du voilier dans un fracas de chaine. La tête du propriétaire émerge et nous regarde la bouche ouverte, découvrant deux filles nues sur sa plage avant. Je le rassure d’un sourire, poussant les deux captives vers le bateau suivant. Nous progressons à quatre pattes, essayant de rester hors du champ de vision des mafieux.
– Nous ne faisons que passer.
– Very well, me répond-il avec un flegme des plus britannique avant de retourner à son petit déjeuner.
Nous sommes cette fois plus rapides et nous sautons sur le navire voisin. Elles comprennent vite. J’admire leur courage. En quelques minutes, elles ont abandonné leur attitude passive pour lutter. Trois autres yachts nous séparent de Cool Breeze.
– Ils montent à bord Dakota.
Les deux filles continuent de progresser. Je prie qu’ils ne regardent pas dans notre direction, misant que leur premier réflexe sera de vérifier la présence de leurs prisonnières.
– Claire, nous arrivons par bâbord. Commence à larguer les amarres.
Nous atterrissons sur la dernière embarcation. Cool Breeze est le suivant. J’entends un cri depuis le Yatch des Russes. Ils viennent probablement de découvrir la fuite de leurs deux captives. J’aperçois Claire qui s’affaire sur les amarres et je saute sur le catamaran. J’aide les deux filles à monter à bord et les pousse sans ménagement vers la cabine.
– Restez cachées !
Je n’ai pas le temps de m’en occuper. Je gravis l’échelle et m’installe à la barre. Depuis le poste de navigation sur le pont supérieur, je distingue les deux mafieux qui débarquent. Ils se séparent, un vers la droite et l’autre vers la gauche. Claire s’active sur la dernière amarre, le gorille passe derrière elle sans la reconnaitre, continuant sa course vers le bout du quai. Elle lève son pouce vers le haut et saute à bord.
Je démarre le moteur et pousse la manette des gaz dégageant Cool Breeze du ponton. Attiré par le bruit, le mafieux effectue un demi-tour et vient se planter devant notre emplacement. Nous progressons lentement, je ne veux pas lui donner l’impression que nous fuyons. Il reste quelques minutes sur le quai et nous observe nous éloigner avec suspicion. Je résiste à l’envie de lever un doigt. Je ne doute pas qu’ils découvriront ce qui s’est passé, mais chaque minute est précieuse. Notre seule chance est de disparaitre avant qu’ils ne se lancent à notre poursuite.
Claire me rejoint alors que nous franchissons les deux tours du port.
– Je n’ai pas oublié de monter à bord cette fois !
J’éclate de rire et pointe l’étrave de Cool Breeze vers l’océan. Notre voyage commence.